Le début de semaine avait commencé de manière assez classique pour Karma. Un entraînement familial qu’il avait esquivé, histoire d’éviter les regards pesants, plein de reproches et d’attente. Ses cousins étaient toujours les premiers à maîtriser les nouvelles leçons. A obtenir les meilleurs résultats. A récolter les louanges. Et si Karma était du genre jaloux, pour le coup ce genre de considération lui passait bien au-dessus. Enfant il s’était un jour aventuré à griffer l’ancienne du clan, juste pour s’assurer que c’était bien du sang qui coulait dans ses veines et non de la glace. Même avec le résultat sous les yeux, encore aujourd’hui Karma doutait de ce qu’il avait vu. Il s’était donc éclipsé discrètement, afin d’éviter d’être la principale cible de ses “camarades”.

Mais s’il échappait à une obligation, ce n’était pas pour se la couler douce. Il y avait réfléchi, longuement. La brutalité de la réalité l’avait à de nombreuses fois frappée, marquée. Karma avait un style plus proche du combat à distance, et son niveau en taijutsu laissait à désirer. Il entretenait évidemment sa santé physique, mais ses techniques de combat au corps à corps ne valaient rien. Il suffisait donc de percer la faille, de franchir la distance séparant le Yuki de son adversaire pour le mettre à terre. Car en plus d’être totalement inapte au combat rapproché, Karma ne disposait d’aucune technique défensive. En clair : il était vulnérable. Et cette idée lui était des plus insupportables.

Le constat fait, restait à corriger le tir. Inutile d’attendre de se prendre une branlée de la part d’un supérieur pour réagir. Karma avait déjà bien assez attendu. Son seul talent résidait dans la maîtrise de son don héréditaire, encore que le terme “maîtrise” était peut-être un peu exagéré. Il lui parut néanmoins plus efficient de travailler sur cet axe plutôt que d’entamer une nouvelle base. Il fallait donc composer avec la glace. Car s’il avait encore quelques tensions avec la majorité de son clan, Karma n’en était pas moins un grand fan de son arcane héréditaire. Le Hyôton, il le sentait, il le vivait. Un peu comme une conscience supplémentaire, prête à surgir en cas de besoin. Mais l’imagination manquait toujours au Genin. Il avait donc traîné près des terrains d’entraînement, observant les shinobis dans leur propre renforcement. Il n’en tira rien.

Peut-être n’était-il pas nécessaire de tant pousser la réflexion ? Quand un combattant a besoin de contrer, que fait-il ? Esquive ou protection. Parade. Bouclier. Un bouclier de glace ? Visuellement, l’idée ne l’emballait pas des masses. D’autant qu’il faudrait consolider la structure de manière à ce qu’elle absorbe les coups, ou qu’elle puisse au moins tenir le choc face à des projectiles ou des armes blanches. Karma observa longuement ses bras. Si les Kaguya usaient aisément de leurs os comme armement, ce ne pouvait pas être le cas du Yuki. En revanche … en revanche rien ne l’empêcherait de solidifier l’humidité entourant ses avant-bras. Son propre corps serait la structure solide, et la glace s'accumulerait pour former une coque protectrice. Il lui sembla plutôt audacieux de vouloir s’occuper des deux avant-bras en même temps, et plus encore de se concentrer sur une autre partie de son corps. Ainsi la théorie s’arrêta à son avant-bras gauche.

Karma prit place sur le terrain, s’étira, puis se lança. Visualiser son avant-bras, détecter l’humidité, la voir se solidifier. Tout ça était relativement simple : il le faisait déjà pour chacune de ses techniques. Pourtant ce ne fut qu’une simple couche de glace qui se forma autour du membre. Clairement pas de quoi retenir la moindre offensive. Karma laissa échapper un soupir : bien sûr que ce ne serait pas si simple. Il brisa ce premier essai, et se reconcentra à nouveau. Le même maigre résultat se présenta. Au lieu de l’effacer d’un revers de la main, le Genin tâcha de superposer les couches, à plusieurs reprises, et avec difficulté. Il finit par obtenir ce qu’il désirait, mais le temps requis était ridicule : il serait transpercé cinquante fois avant que son bouclier ne soit suffisamment épais. Une autre difficulté s’imposa : le froid. Son avant-bras gauche commençait déjà à s’engourdir, et les neuronnes du Yuki semblaient eux-mêmes geler.

Karma libéra son emprise sur l’humidité, et partit en quête d’une boisson chaude et d’un lieu où faire remonter sa température. Il ne s’agissait pas de tomber dans l'hypothermie. Contrairement à ce qu’il espérait, le Genin ne maîtrisa pas cette technique le jour-même. Ni le lendemain. Ni le sur-lendemain. Il lui fallut une bonne semaine pour parvenir à superposer les couches suffisamment vite pour être efficace. Il pu néanmoins mettre la chose en pratique dés le samedi : et l’effet produit fut supérieur à celui escompté. Non seulement les aiguilles de glace ne le blessèrent pas, mais la surprise de son cousin lui permit de contre-attaquer. On ne le félicita pas, mais les regards s’alégèrent. Une petite victoire pour le Yuki.