C'est étrange. Sentir quelqu'un caler ses pas dans les siens. Son ombre suivre la sienne. Moi qui ai tellement l'habitude de me déplacer seule, je ressens une sorte presque de mal aise à l'idée d'être suivie. Bien que ce soit moi, la première, qui ait lancé l'invitation.
Comme toujours, l'activité à Konoha est dense. Les gens passent, arpentent les rues, les commerçants alpaguent parfois des passants. Les enfants courent, crient, dans un tourbillon de rires.
Je ne sais pas trop où aller. Je suppose qu'on trouvera sur le chemin.
Tsubaki indique vouloir s'arrêter devant un magasin de fleurs. De ce que je comprends, c'est sa mère qui le tient. Je la regarde disparaître dans l'embrasure de la porte en me faisant la réflexion que je ne suis jamais entrée ici.
Je n'ai jamais eu ni le besoin ni l'occasion d'acheter des fleurs. A qui aurais-je pu les offrir ? Mon frère ne me parle plus. Ma mère préférerait que je lui rapporte un titre d'Hokage plutôt qu'un bouquet. Et on ne va pas dire que j'aie beaucoup d'amis.
En attendant que Tsubaki revienne, je m'appuie contre le mur de l'édifice. Bras croisés, comme souvent. Il paraît que ce geste signifie une inconsciente protection entre soi et les autres, soi et le monde. Je ne sais pas si c'est avéré dans tous les cas. Mais en ce qui me concerne, ça pourrait être cohérent. J'aime pas vraiment que les autres s'approchent de trop près, encore moins qu'ils me touchent, surtout après un entraînement ou un combat. Chacun garde sa sueur ! Voilà pourquoi je suis nulle en taijutsu et pourquoi je n'ai aucune intention de me perfectionner en la matière. Le combat rapproché, très peu pour moi !
Quelques minutes plus tard, nous sommes reparties, la petite et moi.
Elle semble sincèrement heureuse qu'on partage ce moment. Je me demande un instant si elle a des amis de l'académie. Des gens avec qui elle partage des entraînements et des bols de nouilles. Des gens avec qui elle espère de toutes ses forces se retrouver en équipe.
Tout en marchant, je lui jette un regard en coin, tandis qu'elle ne se lasse pas de poser des questions :
- Qu’est que tu aimes manger ? Des ramens ça te dit ? Tu connais un bon resto ? Des ramens.
Plat classique. Mais toujours bon. Une valeur sûre, en quelque sorte.
J'ai un léger haussement d'épaules :
-Va pour des ramens. Mais je n'ai aucun restaurant précis en tête. Alors je laisse mon regard fureter, à droite à gauche. De personne en personne. De façade en façade. Puis :
-Là ?Désigner du doigt une enseigne. Je ne connais pas très bien les restaurants du village. En vérité, je m'y rends assez peu. Aller au restaurant toute seule, c'est pas ce qu'il y a de plus emballant. Je préfère de loin manger avec ma mère et mon frère, lorsque celui-ci se décide à passer un peu de temps avec nous. Certes, les repas n'ont pas une ambiance de fifou -mon frère ne parle pas et ma mère ne s'enquiert que de mes progrès et me fait des programmes d'entraînement d'enfer. Mais on mange bien. Et ensemble.
Bref, le restaurant que je désigne, je n'y suis jamais allée. Mais d'après l'enseigne, il y a exactement ce qu'on cherche.
A l'intérieur, c'est plutôt calme. Quelques personnes mangent, au comptoir ou sur des tables en bois. Je désigne à Tsubaki une petite table calée contre le mur. J'aime bien les murs. Ca donne un appui à l'épaule en même temps qu'un indicible sentiment de sécurité.
De mon côté, je commande des ramens au porc avant de me délester de mon katana. Je retire la sangle qui le retient dans mon dos et pose le tout contre le mur, près de moi. A portée de main. Sait-on jamais.
-Ta mère est fleuriste, alors ? je lance, pour combler le petit silence de l'attente du repas.
Parfois, s'intéresser aux autres, c'est bien. Souvent, c'est une convention purement sociale. Dans le cadre d'une équipe, c'est une question de survie et de bon fonctionnement du groupe. Plus on en sait des uns et des autres, mieux pourront être organisées les opérations. Enfin, là, nous ne sommes pas dans ce cas de figure. Disons que c'est simplement une légère curiosité teintée de convention sociale.